Vivre bien dans un monde qui va mal
Ou comment prendre soin de sa santé mentale sans pour autant faire l'autruche
Chèr.es lecteurices,
J’espère que vous allez bien.
À l’heure où je vous écris, Israël poursuit son génocide sans que les puissances occidentales se décident à bouger plus que le petit doigt, le gouvernement français réprime violemment la révolte en Nouvelle-Calédonie, ce “territoire d’outre-mer” qui nous montre à nouveau que l’histoire coloniale de la France n’appartient décidément pas au passé ; l’extrême-droite affiche des scores records dans les sondages pour les élections européennes ; l’Assemblée nationale commence l’examen d’un projet de loi d’orientation agricole complètement à côté de la plaque, les banques françaises continuent à financer allègrement les énergies fossiles, bref, il y a de quoi sérieusement angoisser.
“Comment faire face au triste état de notre monde sans devenir fou ?” questionnait Joanna Macy il y a plus de dix ans dans L’Espérance en mouvement. Plus que jamais, la question est d’actualité.
Prendre soin de nos santés mentales
Je pense avoir une santé mentale robuste. Celle-ci a été favorisée par un héritage génétique apparemment propice à la sérénité, une enfance affectivement nourrissante et exempte de trauma (à ce que je sache), et jusqu’à aujourd’hui un environnement amical et familial soutenant. C’est un privilège énorme (et je mesure de plus en plus combien c’est précieux).
Mais ces dernières années, j’ai à plusieurs reprises senti l’évidence se fissurer. La crise écologique avec son lot de perspectives alarmantes, l’augmentation de ma conscience des inégalités et l’accablant spectacle de la médiocrité — ou de la cruauté — politique, ont ébranlé mon inébranlable confiance dans la vie.
J’ai eu quelques moments de crise, que les lecteurices de mon compte Instagram ont suivi sous la forme d’interactions avec le gros monstre noir dont je vous ai parlé dans ma dernière lettre. La dissonance entre l’urgence absolue de la situation et la quasi-totale apathie de la société m’a parfois fait douter de mes propres perceptions. Comment faire face au triste état de notre monde sans devenir fou ?
Aujourd’hui, je ne crois pas que demain sera meilleur. J’ai la conviction que les inégalités vont continuer à se creuser, que les tensions vont continuer à monter, que la biodiversité va continuer à s’effondrer, le climat à se réchauffer, bref, vous voyez le tableau. J’essaie de ne pas fuir les émotions suscitées par cela. J’ai beaucoup appris sur la façon d’accueillir, traverser et transformer ces émotions à travers la pratique du Travail Qui Relie (TQR), que je recommande.
(& pour ne pas vous laisser sur ces prédictions apocalyptiques, je tiens à préciser que je pense que malgré cela, parallèlement à cela, la résistance va continuer à s’amplifier, les solidarités à se développer, et que beaucoup de personnes seront demain beaucoup plus tolérantes, justes, en harmonie avec le vivant qu’aujourd’hui. Je n’exclue même pas la possibilité que nous soyons beaucoup plus heureux dans ce monde-là que dans celui d’aujourd’hui).
Bref. Dans le monde violent et en crise d’aujourd’hui, et celui demain, je pense que nous aurons besoin plus que jamais de prendre soin. De nous-mêmes, et des autres.
C’est dans la perspective d’acquérir des outils pour cela que j’ai suivi il y a quelques semaines une formation de deux jours aux « premiers secours en santé mentale » (PSSM) avec Charles Jacques.
La santé mentale est (aussi) un enjeu collectif. Nous avons toustes à acquérir des notions de bases pour savoir écouter, accompagner et orienter celleux qui en ont besoin. Pour contribuer à la diffusion de ces connaissances, j’ai résumé en image quelques points de cette formation. Vous trouverez cela juste en dessous !👇






















Aujourd’hui, j’inclue davantage ce soin dans ma vie : je veille à limiter mon usage des réseaux sociaux, à bien dormir, à me confier quand ce que je porte est trop lourd, pour rester à flot. Et je suis vigilante aux signaux qui me montrent que ça ne va pas : une sensation de vide, un manque d’envie, une fatigue injustifiée… pour pouvoir au moins essayer de réajuster les équilibres (en général, ça fonctionne). Depuis ma formation, je suis aussi un peu plus vigilante aux signaux des autres, pour pouvoir leur proposer du soutien si besoin.
Ça me permet de continuer à suivre les actualités et à ressentir des émotions face à ce qui se passe sur notre petite planète sans péter les plombs !
💙 Prenons soin de nous, et n'hésitons pas à solliciter du soutien si nous en ressentons le besoin, que ça soit auprès de nos proches ou par exemple auprès de #sosamitié (09 72 39 40 50) ou @filsantejeunes (0800 235 236).
Et vous ? N’hésitez pas à me partager comment vous prenez soin de votre santé mentale et de celle de vos proches ; je pourrai transmettre quelques-unes de vos bonnes idées et pratiques dans la prochaine lettre.
De ma bibliothèque
Je passe du coq à l’âne, mais j’espère que vous ne serez pas dérangé par cela. Ces lettres auront sans doute souvent des allures de patchwork.
Nous avons emménagé en mars 2023 dans une vieille ferme comtoise que l’on rénove depuis. Et récemment, après plus d’un an sans eux, on a enfin pu sortir nos livres des cartons. On attendait ce moment depuis longtemps. J’ai donc le plaisir de vous présenter : notre bibliothèque !
On l’a construite en béton cellulaire, enduite en chaux-sable et badigeonnée à la chaux. C’était long, fastidieux et un peu éprouvant (surtout l’enduit) mais on est hyper contents du résultat ! J’adore (a)voir mes livres comme ça. J’ai l’impression qu’en les regardant on peut survoler un peu tous les aspects de ma vie : écologie, bande dessinée, jardinage, politique, cuisine, spiritualité, antiracisme, dessin… et de la vie de mon amoureux : graphisme, animaux, architecture… Le mois prochain, je vous inviterai dans la section “antiracisme” de cette bibliothèque, celle que je potasse le plus en ce moment !
Napoléon et ma bd-mystère
J’avais prévu de vous parler dans cette lettre de santé mentale (ok), de notre bibliothèque (fait), d’engagement, de notre âne Napoléon et de l’avancée de mon storyboard.
Comme finalement cette lettre est déjà trop longue, je vais faire court pour les trois derniers sujets :


À gauche, c’est Napoléon. Un jeune ânon malicieux, joueur, relou et adorable à la fois qui partage notre vie depuis quelques mois.
À droite, c’est moi avec un morceau de mon storyboard. On est un peu en froid, lui et moi. Parce que c’est un exercice difficile, contraignant, long, et que l’absence de réponse depuis plusieurs semaines de l’éditeur avec qui notre agente est en prémisse de discussion commence à éroder sérieusement ma motivation (même si c’est sincèrement le projet le plus important sur lequel j’ai jamais travaillé). Mais bon, je me force régulièrement à passer quelques heures devant mon écran pour avancer ! J’en suis à 50 pages et c’est déjà une petite victoire.
Bientôt le podcast Écolucides ?
Début mai, j’ai publié cette courte bande dessinée sur Instagram, qui reprend une super discussion que j’ai eue avec Marion, une copine de lutte engagée notamment pour l’écologie et l’accueil des personnes migrantes.
J’avais l’espoir de proposer un format qui vous permette d’entendre cet échange intégralement… et c’est en cours de concrétisation ! Vous devriez recevoir d’ici quelques jours/semaines un mail avec le podcast.
Avec cette série de bd/audio Écolucides, j’ai envie de vous proposer des portraits de personnes ordinaires mais qui ont en commun d’avoir les yeux ouverts face aux catastrophes. Écolucides, parfois écoanxieuses, parfois écofurieuses, parfois rien de tout ça, elles parleront de leurs chemins d’adaptation intérieure et dans l’action aux réalités douloureuses du monde. On y parlera d’engagement, de santé mentale, d’entourage, d’action, de joie, et de beaucoup d’autres choses.
Voilà donc pour le sujet de l’engagement !
Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une belle journée, de la douceur et du soutien, des activités qui font du bien et des proches qui savent écouter.
N’hésitez pas à répondre à ce mail pour me dire si cette lettre vous a plu et si vous avez des envies/des attentes pour la suite, ou juste pour me raconter vos vies.
À bientôt,
Louise
PS : Si vous avez envie de témoigner pour Écolucides et que vous habitez Paris ou la Franche-Comté, faites-moi signe !
Aujourd’hui, je tombe sur ton compte insta et ta lettre, cette lettre qui m’a fait beaucoup de bien car elle me fait me sentir moins seule et surtout comprise même si je sais que nous sommes beaucoup dans ce cas, ça m’a soulagé un peu alors je tenais à te dire merci 🙏🏼
Comme toi j’essaie de diminuer les réseaux… ça reste très anxiogène je ne pensais pas que ça m’atteigne autant. Je n’ai pas de conseils de plus que ce que tu nous partage je voulais simplement te remercier.
Sonia
Je me rends compte que j'ai oublié un élément très important dans cet article, que je développerai sans doute dans ma prochaine lettre : la dissonance cognitive est délétère pour la santé mentale. Chaque fois que j'ai fait un pas de plus vers l'alignement, donc vers l'action, la prise de position, que j'ai fait des changements importants dans ma vie vers plus de sobriété, d'engagement, de solidarité, ça m'a permis d'aller mieux.
Et au passage, de rencontrer de nouvelles personnes bienveillantes et partageant les mêmes valeurs que moi, qui sont venues agrandir mon cercle de soutien. Ça n'a pas de prix !